Restomod Simca 1100 Spécial 2026 : et si on la réinventait avec un moteur V8 Bi-turbo ? Le projet qui divise les puristes

Un rassemblement de voitures anciennes, quelque part en France en 2026. Au milieu des Alpine A110 immaculées et des DS majestueuses, une forme familière se dessine. Une Simca 1100. Mais quelque chose cloche. Ses hanches sont anormalement larges, sa peinture d’un Blanc Nacré absorbe la lumière et des jantes démesurées abritent des freins en carbone-céramique. L’air semble vibrer autour d’elle. Puis, le contact est mis. Le son qui déchire le silence n’est pas le vrombissement sympathique du quatre-cylindres « Poissy », mais le grondement rauque et menaçant d’un V8 Bi-turbo. Le sacrilège est commis. Le fantasme est devenu réalité. Ce projet, purement hypothétique aujourd’hui, est bien plus qu’une simple préparation mécanique. C’est une bombe lancée au cœur du débat qui fait rage dans le monde de l’automobile classique : jusqu’où peut-on aller au nom de la réinterprétation ?

La Simca 1100 Spécial : L’icône intouchable ?

La Simca 1100, Présentée en 1967 n’est pas juste une voiture. C’est une révolution. Bien avant la Volkswagen Golf, elle a popularisé en Europe l’architecture qui domine encore aujourd’hui : moteur transversal avant, traction, et carrosserie hatchback à cinq portes. Elle était intelligente, spacieuse, incroyablement polyvalente et dotée d’une tenue de route remarquable pour l’époque grâce à ses quatre roues indépendantes. La version « Spécial », apparue en 1970, ajoutait le piment qui manquait. Avec son moteur de 1294 cm³ poussé à 75 chevaux, ses deux carburateurs double corps, ses phares longue portée et son compte-tours, elle était la petite sportive des pères de famille pressés. Elle offrait des sensations, une agilité et un caractère qui ont marqué toute une génération. Elle était l’incarnation de l’ingéniosité populaire, le symbole d’une France innovante et accessible. Toucher à la 1100 Spécial, c’est donc toucher à la fois à un monument d’ingénierie et à un souvenir collectif.

Anatomie d’un Monstre

Maintenant, jetons cette image de carte postale à la poubelle et parlons de notre monstre. Installer un V8 Bi-turbo dans une Simca 1100 n’est pas une modification, c’est une reconstruction totale. La coque autoporteuse d’origine, conçue pour encaisser 75 chevaux et peser 930 kg, se désintégrerait à la première accélération. La première étape serait de la vider entièrement pour ne garder que la peau, l’enveloppe stylistique. En dessous, les ingénieurs devraient construire un châssis tubulaire sur mesure, une véritable ossature de voiture de course. La traction avant, signature de la 1100, est une impossibilité technique et dynamique. La conversion en propulsion est la seule voie logique, transformant radicalement son comportement. Imaginez la puissance d’un V8 moderne, comme le 4.0L d’origine AMG développant plus de 600 chevaux, envoyée uniquement aux roues arrière d’une voiture ayant l’empattement d’une citadine. Un pur cauchemar pour les assureurs, un rêve absolu pour les pilotes.

Le design extérieur devrait suivre cette escalade de violence mécanique. Pour accueillir des pneus larges comme des rouleaux compresseurs et loger le V8 et ses échangeurs, la carrosserie devrait être « bodybuildée ». On parle d’ailes élargies de 10 à 15 centimètres de chaque côté, d’un bouclier avant béant pour gaver le moteur en air frais, et d’un extracteur arrière digne du Mans pour stabiliser la voiture à des vitesses qu’elle n’aurait jamais dû ne serait-ce qu’imaginer. L’intérieur serait un mélange d’héritage et de technologie : la forme de la planche de bord pourrait être conservée, mais réalisée en fibre de carbone, accueillant un affichage numérique derrière un volant tulipé. Des sièges baquets Recaro remplaceraient les confortables fauteuils d’origine. Le résultat serait une créature mutante, un croisement contre-nature entre une icône des Trente Glorieuses et un avion de chasse furtif.

Pourquoi ce projet déchaîne les passions ?

Un tel projet cristallise une fracture idéologique. D’un côté, les partisans de la réinterprétation radicale. Pour eux, un restomod comme celui-ci est un hommage suprême. Il sauve une carrosserie de l’oubli ou de la rouille pour lui offrir une seconde vie spectaculaire. Il célèbre le design originel en le confrontant à la technologie la plus extrême, créant un objet unique, une œuvre d’art roulante qui provoque une émotion brute, viscérale. C’est l’expression ultime de la passion automobile, celle qui refuse les conventions et qui cherche à répondre à la question « et si ? ». Pour ces passionnés, laisser une 1100 dans son jus est une belle chose, mais la transformer en une supercar capable de chasser des Porsche sur circuit est un acte de création, pas de destruction.

De l’autre côté, le cri des puristes est assourdissant et, il faut le dire, parfaitement compréhensible. Pour eux, l’âme de la Simca 1100 Spécial réside précisément dans son équilibre, sa modestie et son ingéniosité. Son charme vient de la manière dont ses 75 chevaux animent son châssis agile, du son de son moteur qui monte dans les tours, de ses imperfections qui font son caractère. Y greffer un V8, c’est comme ajouter des néons et une sono de 3000 watts à la Joconde. C’est un contresens total, une démonstration de force vulgaire qui efface toute la subtilité et l’histoire de l’objet. Ils argumentent, à juste titre, qu’un tel monstre n’est plus une Simca 1100. C’est une voiture de course avec un déguisement, une « kit-car » qui a volé le visage d’une ancêtre respectable. La véritable préservation, selon eux, passe par la restauration fidèle, celle qui respecte l’intention des ingénieurs de l’époque.

Au-delà du fantasme, un marché en pleine ébullition

Si notre Simca V8 Bi-turbo reste un délire de designer, elle s’inscrit dans une tendance de fond bien réelle : le marché du restomod de très haute couture. Des entreprises comme Singer Vehicle Design avec ses Porsche 911 réimaginées, Alfaholics avec ses Alfa Romeo GTA-R ou encore Cyan Racing avec ses Volvo P1800, ont prouvé qu’il existe une clientèle fortunée prête à dépenser des centaines de milliers, voire des millions d’euros pour des classiques métamorphosées. Ces projets ne sont plus de simples « tuner cars », mais des reconstructions totales où chaque composant est repensé pour atteindre un niveau de performance et de finition supérieur à celui d’une supercar neuve. Notre projet Simca pousserait cette logique à son paroxysme en appliquant cette philosophie non pas à une noble sportive, mais à une icône populaire. Et c’est précisément cette transgression qui la rend si fascinante. Au final, cette Simca 1100 sous stéroïdes nous interroge sur notre rapport à l’histoire automobile. Faut-il la conserver sous cloche dans un musée, ou la faire vivre quitte à la transformer radicalement ? Il n’y a sans doute pas de bonne réponse, seulement une infinité de passions différentes. Et vous, de quel côté de la fracture vous situez-vous ?