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Renault Safrane Biturbo : Le missile français qui devait humilier les Allemandes

Au début des années 90, Renault, auréolé du succès de la R25, nourrissait une ambition folle : défier et battre les constructeurs allemands sur leur propre terrain. Cette ambition a donné naissance à un projet hors normes, un véritable missile routier en costume de notable : la Safrane Biturbo

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Renault Safrane Biturbo : Le missile français qui devait humilier les Allemandes

Au début des années 90, Renault, auréolé du succès de la R25, nourrissait une ambition folle : défier et battre les constructeurs allemands sur leur propre terrain, celui des berlines de sport et de luxe. Cette ambition a donné naissance à un projet hors normes, un véritable missile routier en costume de notable : la Safrane Biturbo. Une machine de guerre technologique conçue pour faire trembler Munich et Stuttgart.

L’ambition d’une époque : Frapper fort, frapper haut

Renault Safrane Biturbo : Le missile français qui devait humilier les Allemandes

Renault voulait un porte-drapeau, une vitrine technologique capable de synthétiser tout son savoir-faire. L’objectif n’était pas seulement de remplacer la R25 V6 Turbo, mais de créer une voiture qui regarderait droit dans les yeux les BMW M5, Audi S4 et autres Mercedes E 500. Il ne s’agissait plus de proposer une alternative française, mais bien la nouvelle référence. Pour cela, Renault a mis les moyens, partant de la base saine de sa nouvelle grande routière, la Safrane, pour y greffer le meilleur de la technologie disponible. Le cahier des charges était simple : performances de premier ordre, luxe intérieur et efficacité dynamique sans faille.

Un cœur allemand dans une berline française

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Conscient que la performance pure nécessitait une expertise spécifique, Renault a fait un choix audacieux et pragmatique : s’allier à des spécialistes allemands. Le vieillissant moteur V6 PRV (Peugeot-Renault-Volvo) a été envoyé en cure de jouvence chez Hartge, un préparateur réputé pour ses travaux sur les BMW. Le bloc de 3.0 litres fut entièrement revu, renforcé et surtout, suralimenté par deux turbocompresseurs KKK basse pression. Le résultat ? Une puissance portée à 268 chevaux et un couple généreux de 365 Nm disponible très bas dans les tours. Ce V6 transfiguré offrait une souplesse remarquable et une poussée puissante et continue. Pour l’assemblage final et la mise au point, c’est un autre sorcier allemand, Irmscher, qui fut sollicité. La Safrane Biturbo était donc une Française au cœur et au savoir-faire germaniques.

Quadra : La transmission intégrale comme arme secrète

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Pour faire passer cette cavalerie au sol, Renault a dégainé une de ses technologies maîtresses : la transmission intégrale permanente Quadra. Là où les BMW restaient fidèles à la propulsion, la Safrane Biturbo misait sur quatre roues motrices pour garantir une motricité et une sécurité absolues, quelles que soient les conditions. Le système, doté d’un viscocoupleur central, répartissait le couple entre l’avant et l’arrière, assurant un comportement routier impérial. Couplée à une suspension pilotée alliant confort et rigueur, cette architecture faisait de la Biturbo une dévoreuse d’autoroutes et de cols de montagne, imperturbable et souveraine. Le seul choix de transmission était une boîte manuelle à 5 rapports, renforcée pour encaisser le couple, un détail qui la destinait aux puristes mais la coupait d’une partie de la clientèle « luxe » habituée aux boîtes automatiques.

Des performances de premier plan… sur le papier

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Avec ses 268 chevaux, la Safrane Biturbo affichait des chiffres respectables. Le 0 à 100 km/h était abattu en 7,2 secondes, le 1000 mètres départ arrêté en 27,8 secondes, et la vitesse de pointe était bridée électroniquement à 250 km/h. Sur le papier, elle se positionnait comme une rivale crédible. Dans les faits, elle n’arrivait pas à « humilier » complètement les reines de la catégorie. Une BMW M5 E34 de 340 ch restait plus performante en accélération pure. Cependant, la Française se rattrapait par son incroyable polyvalence. Moins brutale et plus feutrée, elle se révélait être une formidable machine de Grand Tourisme, capable d’enchaîner les kilomètres à haute vitesse dans un confort royal, là où ses concurrentes étaient souvent plus radicales et exigeantes.

Le luxe Baccara, un écrin pour la performance

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La Biturbo n’était pas qu’un moteur. Elle était systématiquement associée à la finition la plus haute de Renault : Baccara (puis Initiale Paris). L’habitacle était un véritable salon d’affaires. Les sièges Ergofit, réglables électriquement et chauffants, offraient un maintien et un confort exceptionnels, tandis que le cuir pleine fleur et les inserts en ronce de noyer recouvraient la planche de bord et les contre-portes. L’équipement était pléthorique pour l’époque : climatisation automatique bizone, chaîne hi-fi à six haut-parleurs, et bien sûr, la fameuse synthèse de parole qui vous informait d’une porte mal fermée ou d’un niveau bas. Ce luxe, combiné à la complexité technique, avait cependant un prix.

Pourquoi le missile n’a jamais atteint sa cible

Renault Safrane Biturbo : Le missile français qui devait humilier les Allemandes
BMW M5 Stingray P850

Malgré ses qualités indéniables, la Safrane Biturbo fut un échec commercial retentissant. Avec seulement 806 exemplaires produits entre 1994 et 1996, elle n’a jamais trouvé son public. La première raison fut son prix exorbitant : près de 430 000 Francs, soit le tarif d’une Porsche 911 ou d’une BMW M5. À ce niveau de prix, le blason sur la calandre devient un critère d’achat majeur, et l’image de marque de Renault ne pouvait rivaliser avec le prestige des constructeurs allemands. De plus, son look était beaucoup trop discret. À l’exception de jantes spécifiques et d’un bouclier avant légèrement redessiné, rien ne la distinguait d’une sage Safrane V6. Elle était un « sleeper », un loup dans la bergerie, mais les clients capables de dépenser une telle somme voulaient que leur statut se voie.

La Safrane Biturbo reste aujourd’hui le témoignage d’une ambition magnifique et d’un échec glorieux, celui d’un constructeur généraliste qui a osé rêver trop grand. Un collector rare et fascinant qui incarne le pinacle d’une certaine idée de l’automobile à la française.

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