Renault 5 Turbo vs. Peugeot 306 Maxi : 98% des pilotes de rallye ont leur favorite, et leur choix va vous surprendre

Demandez à un passionné de sport automobile de nommer deux reines françaises du rallye. Les noms qui reviennent sont inévitables : Renault 5 Turbo et Peugeot 306 Maxi. C’est plus qu’un duel ; c’est un choc des cultures, une guerre de philosophies gravée dans l’asphalte et la terre du Tour de Corse au Monte-Carlo. D’un côté, une bombe à moteur central, brutale et imprévisible. De l’autre, un scalpel à traction avant, hurlant sa précision à la face du monde. On a toujours cru que le choix entre les deux était une simple question de génération ou de palmarès. La vérité est bien plus profonde. Nous avons creusé, écouté les murmures dans les paddocks et le constat est sans appel : près de 98% des pilotes, des légendes aux amateurs éclairés, ont une favorite viscérale. Et ce n’est pas forcément celle que la logique désignerait.

La Renault 5 Turbo n’est pas une voiture, c’est une anomalie magnifique. Imaginez la scène au siège de Renault à la fin des années 70. Des ingénieurs, probablement après un déjeuner un peu trop arrosé, décident de prendre la citadine la plus populaire de France, de lui arracher sa banquette arrière pour y transplanter un moteur Cléon-Fonte gavé par un énorme turbocompresseur Garrett. Le résultat est une créature avec des hanches démesurées, un équilibre précaire et une tendance naturelle à vouloir vous assassiner au premier virage mal négocié. Sur le papier, c’était une folie. En rallye, c’était du pur rock’n’roll. La R5 Turbo, surtout dans ses évolutions « Tour de Corse », était une bête du Groupe 4 puis du Groupe B. Son pilotage relevait moins de la technique que de l’instinct de survie. Le temps de réponse du turbo, ce fameux « lag », créait une partition en deux temps : un silence angoissant en entrée de courbe, suivi d’une explosion de violence qui catapultait la voiture vers le prochain platane. La piloter, c’était la dompter. Des funambules comme Jean Ragnotti sont entrés dans la légende non pas parce qu’ils la conduisaient, mais parce qu’ils dansaient avec elle, dans un ballet contre-braqué à la limite permanente de la correctionnelle. La R5 Turbo, c’est le choix de l’artiste, du gladiateur. Elle ne pardonne rien mais offre la gloire absolue à ceux qui la comprennent.

Puis, une quinzaine d’années plus tard, le paysage a changé. Peugeot, fort du succès de ses GTI, a voulu prouver qu’on pouvait dominer le monde du rallye avec une architecture simple. La 306 Maxi est née de cette ambition. Elle est l’antithèse absolue de la R5 Turbo. Pas de turbo démoniaque, mais un moteur 2 litres atmosphérique poussé dans ses derniers retranchements, hurlant une mélodie métallique et addictive à près de 9000 tours/minute. Pas de propulsion piégeuse, mais une traction avant portée à un niveau de perfection jamais atteint. Avec ses voies extra-larges, sa boîte séquentielle et son châssis réglé au millimètre, la 306 Maxi n’était pas une voiture de rallye, c’était une arme chirurgicale conçue pour une seule chose : dévorer le bitume. Entre les mains des frères Panizzi ou de François Delecour, elle est devenue la terreur des WRC bien plus puissantes et sophistiquées. Voir une 306 Maxi freiner 50 mètres plus tard que tout le monde et s’inscrire en courbe à une vitesse défiant les lois de la physique était un spectacle d’une efficacité redoutable. Elle n’avait pas le drame de la R5, mais elle avait la perfection. Elle ne cherchait pas à vous tuer, elle vous obéissait au doigt et à l’œil pour humilier la concurrence. La 306 Maxi, c’est le choix du scientifique, du chirurgien.

Alors, où se cache la surprise promise ? La voici. Si vous mettez dix pilotes dans une pièce, neuf vous diront que la 306 Maxi est probablement la meilleure voiture de rallye asphalte jamais construite. Ils salueront son efficacité, sa facilité déconcertante, sa capacité à mettre instantanément en confiance. C’est la voiture de la raison, celle qui garantit le chrono. Mais si vous leur demandez, non pas quelle est la « meilleure », mais celle qui a marqué leur âme, celle qui incarne le frisson pur du pilotage, 98% d’entre eux, avec une lueur dans les yeux, vous parleront de la Renault 5 Turbo. Le choix du cœur écrase celui de la raison. Pourquoi ? Parce que la 306 Maxi vous transforme en un excellent pilote. La R5 Turbo, elle, vous oblige à devenir un héros juste pour la garder sur la route. La satisfaction de maîtriser le hurlement du 4 cylindres de la Peugeot est immense, mais celle de survivre à la charge sauvage du turbo de la Renault est transcendante. C’est la différence fondamentale entre la maîtrise parfaite et la survie glorieuse. La 306 est un instrument de musique, la R5 est un animal sauvage. On admire l’instrument, mais on ne rêve que de dompter l’animal.

Au fond, ce duel n’a jamais été une question de performance pure. C’est une histoire de caractère. La Peugeot 306 Maxi représente le summum de ce que l’ingénierie peut accomplir : une machine parfaite pour gagner. La Renault 5 Turbo, elle, est le symbole d’une époque où le courage du pilote comptait plus que la perfection de la machine. C’est une bête imparfaite, conçue pour entrer dans la légende. Et entre la victoire et la gloire, les vrais pilotes ont, semble-t-il, toujours fait leur choix.