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La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Son secret n’était pas dans ce qu’elle avait, mais dans tout ce qu’elle n’avait pas

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La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Il fut un temps, au cœur des années 90, où l’automobile commençait à prendre du poids, à s’embourgeoiser. Les constructeurs se livraient une guerre à l’équipement, ajoutant des kilos d’insonorisant, des vitres électriques, la climatisation, des directions assistées de plus en plus molles. Le plaisir de conduire, le vrai, le viscéral, commençait à se diluer dans le confort. Et puis, au milieu de cette course à l’armement, Peugeot a commis un acte de rébellion. Un pied de nez magistral. Ils n’ont pas sorti une voiture, mais un manifeste sur quatre roues : la 106 Rallye.

Présentée comme une version sportive d’entrée de gamme, la Rallye était en réalité une arnaque. Une arnaque géniale, la meilleure qui soit. Sur le papier, elle promettait moins que les autres. Dans la réalité, elle offrait l’essentiel, et cet essentiel suffisait à humilier des machines bien plus nobles, bien plus chères et bien plus puissantes sur n’importe quelle route sinueuse. Son secret n’était pas dans ce qu’elle avait, mais précisément dans tout ce qu’elle n’avait pas. C’était une leçon de design par la soustraction, une philosophie d’ingénieur appliquée à la lettre.

L’art de l’essentiel, ou comment créer une icône avec rien

La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Observer une 106 Rallye Phase 1, c’est comprendre instantanément le concept. Pas de jantes en alliage tape-à-l’œil, mais de simples jantes en tôle de 14 pouces, peintes en blanc Michelin, larges et solides. Pas de kit carrosserie exubérant, juste des extensions d’ailes rivetées, fonctionnelles, qui ne sont pas là pour le spectacle mais pour couvrir des voies élargies. La carrosserie, disponible uniquement en blanc, rouge ou noir, est un écrin de simplicité. Le seul ornement, la seule fantaisie, ce sont les fameux liserés Peugeot Talbot Sport qui courent sur les flancs et ornent la calandre. Ce n’est pas une décoration, c’est une signature. Un blason qui dit : « Je n’ai pas été conçue par le marketing, mais par le département compétition ».

L’intérieur est un sanctuaire dédié au pilotage. Oubliez le velours, les plastiques moussés et les gadgets. Ici, c’est moquette rouge ou bleue, fine comme du papier à cigarette, et plastique dur. Les vitres sont manuelles, le rétroviseur droit est souvent en option, il n’y a ni fermeture centralisée, ni direction assistée. Le message est clair : chaque gramme superflu a été traqué et éliminé. Le volant à trois branches est fin, direct. Les sièges baquets, spécifiques à ce modèle, ne sont pas confortables au sens moderne du terme. Ils sont efficaces. Ils vous calent les reins et vous transmettent la moindre information en provenance du châssis. Ce n’est pas un habitacle, c’est un poste de pilotage. Le design de la 106 Rallye n’est pas une question d’esthétique, mais de fonction. Et c’est cette honnêteté brutale qui la rend si belle, si intemporelle.

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Un moteur hurlant et un châssis qui parle

La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Le cœur de la première « arnaque », la Phase 1, était un bloc de 1294 cm³. Un petit moteur qui, sur le papier, sortait 100 chevaux. Un chiffre presque banal aujourd’hui. Mais ce moteur en aluminium, coiffé d’une simple culasse à 8 soupapes et nourri par une injection Magneti Marelli, était une merveille de caractère. Il était creux sous 4000 tours/minute, presque docile. Puis, passé ce cap, il se réveillait dans un hurlement métallique et rageur, grimpant jusqu’à la zone rouge à 7200 tours/minute avec une frénésie que les moteurs modernes, linéaires et aseptisés, ne peuvent que rêver d’imiter.

Ces 100 chevaux n’avaient à tracter que 825 kilos. C’est là que réside toute la magie du rapport poids/puissance. Chaque cheval était exploité au maximum. La boîte de vitesses, courte et précise, était un instrument qui vous suppliait de jouer avec, de maintenir le moteur dans sa plage de régime favorite. Mais le véritable coup de génie, c’est le châssis. Les ingénieurs de Peugeot ont pris la caisse rigide de la 106 et l’ont sublimée. Le train avant est incisif, direct. Le train arrière, lui, est la signature de la maison : joueur. Sur un lever de pied en appui, il enroule la courbe, pivote, aide la voiture à tourner. Pour le non-initié, c’est une frayeur. Pour celui qui sait, c’est une arme d’une efficacité redoutable. La 106 Rallye ne se conduit pas, elle se pilote. Elle communique, elle exige de l’attention et récompense le pilote par des sensations pures, non filtrées.

SpécificationPeugeot 106 Rallye (Phase 1)VW Golf III GTI 8v (contemporaine)
Moteur4-cylindres, 1.3L, 8 soupapes4-cylindres, 2.0L, 8 soupapes
Puissance100 ch @ 7200 tr/min115 ch @ 5400 tr/min
Poids825 kg1035 kg
Rapport Poids/Puissance8.25 kg/ch9.00 kg/ch
PhilosophieRadicale, légère, « course »Bourgeoise, lourde, « GT »

le secret de sa pureté

La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Pourquoi un tel extrémisme ? La réponse est simple : la compétition. La 106 Rallye 1.3L n’a pas été créée pour plaire aux clients des showrooms. Elle a été conçue pour servir de base d’homologation pour le rallye dans la catégorie des moins de 1300 cm³. Peugeot devait produire un certain nombre de modèles de série pour pouvoir engager sa version de course. La voiture que vous pouviez acheter chez votre concessionnaire était donc la descendante directe d’une voiture de course.

Cette origine explique tout : le moteur pointu, la légèreté obsessionnelle, le châssis affûté. Ce n’était pas un produit marketing déguisé en sportive. C’était une authentique base de compétition à peine civilisée pour la route. C’est ce qui la différencie fondamentalement de tant de « fausses » sportives. Sa pureté n’est pas un argument de vente, c’est sa raison d’être. La Phase 2, avec son moteur 1.6L de 103 chevaux, était légèrement plus coupleuse, un peu plus lourde (865 kg) et un tantinet plus facile à vivre, mais l’esprit restait intact. Elle continuait de perpétuer cette philosophie de la performance par la légèreté.

L’héritage d’une philosophie

La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères

Alors, humiliait-elle vraiment des voitures deux fois plus chères ? Sur une autoroute allemande, non. Mais ramenez le combat sur une spéciale de rallye, sur une route de montagne corse ou dans les Cévennes, et le verdict était sans appel. Là où l’agilité prime sur la puissance brute, la 106 Rallye était un scalpel. Une BMW 325i E36, une Mercedes C280 ou même des coupés plus cossus se retrouvaient en difficulté, incapables de suivre le rythme imposé par cette petite puce survitaminée. Son conducteur, concentré, exploitant chaque recoin du compte-tours, vivait une expérience de conduite totale, tandis que les autres géraient l’inertie de leur luxe.

Aujourd’hui, l’arnaque continue, mais différemment. La 106 Rallye est devenue une icône, un collector. Sa cote ne cesse de grimper, et les beaux exemplaires se négocient à des prix qui auraient semblé absurdes il y a dix ans. C’est la revanche ultime de la simplicité sur la complexité.

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La Peugeot 106 Rallye : la vérité sur l’arnaque géniale qui humiliait des voitures 2 fois plus chères
PériodeCote moyenne d’un bel exemplaire (Phase 1)Statut
2005~ 2 500 €Occasion sportive abordable
2015~ 7 000 €Youngtimer recherché
2025~ 15 000 € et +Icône de collection

La 106 Rallye n’était pas une simple voiture. C’était une déclaration de guerre à l’ennui, un rappel que le plaisir automobile ne dépend pas du prix affiché sur la facture, mais de l’intensité de la connexion entre l’homme, la machine et la route. Elle était une arnaque pour ceux qui l’achetaient, car ils en avaient bien plus pour leur argent que n’importe qui d’autre. Et elle était un cauchemar pour ceux qui la croisaient sur leur terrain de jeu, car elle leur rappelait avec un cri strident que la passion ne pèse rien, mais qu’elle est diablement efficace.

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