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On l’a surnommée la « motte de beurre » à cause de sa peinture jaune sable issue des surplus de l’Afrikakorps de Rommel. On l’a vue sur toutes les routes de France, symbole des Trente Glorieuses, des premiers départs en vacances et d’une liberté retrouvée. La Renault 4CV est une icône pop, un objet de tendresse mécanique gravé dans l’inconscient collectif. Mais ce que cette image d’Épinal occulte, c’est la véritable nature de sa naissance. Une naissance dans l’ombre, le froid et la peur. Oubliez la planche à dessin ensoleillée et les ingénieurs en blouse blanche sifflotant. La 4CV, ou plutôt le « Projet 106E », est née d’un acte de défiance industrielle et de patriotisme pur, mené sous la botte de l’occupant nazi, au sein même de l’usine Renault de Billancourt transformée en atelier de guerre pour le Reich. Chaque courbe, chaque choix technique de cette voiture est le résultat d’un risque insensé. Certains de ces faits sur sa conception ne sont pas seulement surprenants. Ils sont absolument glaçants.

Quand « Non » Devient un Moteur

5 faits sur la conception de la 4CV (réalisée en secret pendant l’Occupation) qui vont vous glacer le sang

En 1941, les usines Renault de l’île Seguin ne sont plus françaises. Placées sous administration allemande, elles ont une mission claire et non négociable : produire et réparer des véhicules militaires pour soutenir l’effort de guerre nazi. La Wehrmacht est omniprésente, la Gestapo a des yeux et des oreilles partout. Dans ce contexte, toute initiative qui ne sert pas directement les intérêts du Reich est non seulement interdite, mais considérée comme un acte de sabotage. L’ordre de la direction allemande est formel : le bureau d’études de Renault doit se consacrer à la conception d’un camion et à l’amélioration de véhicules utilitaires. L’étude de toute nouvelle voiture de tourisme est proscrite. C’est ici que l’histoire bascule. Charles-Edmond Serre, le directeur des études de l’époque, un homme discret mais doté d’une volonté de fer, prend une décision d’une audace folle. En totale clandestinité, il lance une poignée de ses ingénieurs les plus fidèles, dont le brillant Fernand Picard, sur le développement d’une petite voiture populaire pour l’après-guerre. C’était un « non » catégorique à l’occupant, un pari sur un futur libre que rien ne garantissait. Ce projet, baptisé « 106E », n’était pas un simple dossier technique. C’était le premier acte de résistance de la future Régie Renault.

Concevoir sous la Menace

5 faits sur la conception de la 4CV (réalisée en secret pendant l’Occupation) qui vont vous glacer le sang
Renault 4CV

Imaginer une voiture dans ces conditions relevait de la fiction. Le risque était permanent, tangible. Être découvert ne signifiait pas une simple réprimande, mais une arrestation quasi certaine, la déportation, voire pire. L’équipe du projet 106E travaillait dans une atmosphère de paranoïa constante. Les plans étaient cachés, les maquettes dissimulées et les réunions tenues dans le plus grand secret, parfois dans les recoins les plus improbables de l’immense usine de Billancourt ou même au domicile des ingénieurs. Pour déjouer la surveillance des Allemands, l’équipe utilisait des ruses dignes d’un roman d’espionnage. Le subterfuge le plus célèbre consistait à ralentir délibérément le développement des projets officiels commandés par les Allemands. En simulant des difficultés techniques et des retards sur la conception d’un camion, ils parvenaient à détourner de précieuses heures d’ingénierie et un peu de matériel au profit de la 4CV secrète. Chaque pièce dessinée pour la future « motte de beurre » était une ressource volée à l’ennemi, sous son propre toit. Cette pression constante a infusé le design même de la voiture : elle devait être simple, rapide à assembler, et ingénieuse pour compenser le manque de tout.

ProjetCommanditaireObjectifStatut
Camion 2.5TAutorités AllemandesLogistique militaire pour la WehrmachtOfficiel – Ralenti Délibérément
Réparation CharsAutorités AllemandesSoutien au front de l’EstOfficiel – Priorité Maximale
Projet 106E (4CV)Ingénieurs RenaultVoiture populaire pour la France libéréeClandestin – Risque de Mort

Créer une Icône avec Rien

En France occupée, tout manquait. L’acier, le caoutchouc, l’essence, l’électricité… La notion de « ressources limitées » n’était pas un concept, c’était une réalité brutale et quotidienne. Construire les premiers prototypes de la 4CV a donc relevé du miracle. Les ingénieurs ont dû faire preuve d’une créativité inouïe, recyclant, cannibalisant et inventant des solutions avec les moyens du bord. Le moteur, par exemple, a été en partie développé grâce à un bloc en aluminium récupéré sur un générateur allemand. Cette contrainte absolue a été le véritable directeur du design. Pourquoi la 4CV est-elle si petite et si légère ? Parce que chaque kilo de tôle était une victoire. Pourquoi un petit moteur de 760 cm³ placé à l’arrière ? Parce que cette architecture, inspirée par la Volkswagen (ironie de l’histoire), permettait de se passer d’un arbre de transmission lourd et coûteux, tout en offrant un plancher plat et un habitacle étonnamment spacieux pour ses dimensions extérieures. La forme si ronde et sympathique de la 4CV n’est pas qu’un choix esthétique. Elle répondait à un besoin d’aérodynamisme pour optimiser les performances d’un moteur modeste et, surtout, à une nécessité de simplicité d’emboutissage des panneaux de carrosserie. La pénurie a forcé le génie.

La 4CV Sauvée des Flammes Politiques

5 faits sur la conception de la 4CV (réalisée en secret pendant l’Occupation) qui vont vous glacer le sang

Le 25 août 1944, Paris est libéré. On pourrait croire que le plus dur est fait pour la 4CV. C’est tout le contraire. La période qui suit est l’une des plus sombres et des plus confuses de l’histoire de Renault. Louis Renault, son fondateur emblématique, est arrêté pour faits de collaboration avec l’ennemi. Il mourra en prison quelques semaines plus tard, avant même son procès, dans des circonstances qui restent controversées. L’entreprise est saisie par le Gouvernement provisoire et nationalisée le 16 janvier 1945, devenant la « Régie Nationale des Usines Renault ». Un nouveau dirigeant est nommé : Pierre Lefaucheux, un résistant. Quand on lui présente enfin le projet 106E, fruit d’un travail clandestin, sa réaction est glaciale. Il n’y croit pas. Il trouve la voiturette laide, trop petite, et préfère un autre projet plus conventionnel, la 11CV. Le destin de la 4CV ne tient plus qu’à un fil. C’est l’abnégation de Fernand Picard et de ses hommes qui va tout changer. Ils se battent, argumentent, et organisent une présentation quasi désespérée pour convaincre leur nouveau patron. Contre toute attente, Lefaucheux se laisse persuader par la vision d’une voiture pour tous, économique et parfaitement adaptée à une France en pleine reconstruction. Il donne son feu vert. La 4CV est sauvée in extremis de l’oubli, non pas des Allemands, mais de sa propre nouvelle direction.

Spécification (Modèle 1947)CaractéristiqueOrigine de la Décision
Moteur4 cylindres, 760 cm³Pénurie de carburant, besoin d’économie
ArchitectureMoteur arrière, propulsionÉconomie de matériaux (pas d’arbre de transmission)
Poids560 kgPénurie d’acier, optimisation des ressources
Suspension4 roues indépendantesConfort sur des routes d’après-guerre dégradées

La 4CV est bien plus qu’une voiture. C’est un artefact historique, un monument de 560 kilos érigé à la gloire de l’ingéniosité et du courage. Chaque démarrage de son petit moteur « Billancourt » raconte l’histoire de ces hommes qui ont risqué leur vie pour dessiner un avenir meilleur, un avenir de paix et de mobilité pour tous. Sa conception secrète n’est pas une simple anecdote marketing ; c’est l’âme même de la voiture, ce qui la différencie de toutes les autres. Alors que les rumeurs d’une potentielle Renault 4CV Sport 2026 commencent à poindre, mêlant l’électrique à la nostalgie, on ne peut qu’espérer que les designers et stratèges de la marque se souviendront de cette histoire. Car pour réinventer une telle icône, il ne suffira pas de copier ses courbes. Il faudra retrouver une étincelle de cette audace folle, de cet esprit de résistance qui, dans le secret d’un atelier, a permis de créer une légende.

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